L'évolution plus multi-juridictionnelle et numérique de la réglementation doit exhorter à un rapport stratégique à la fiscalité

OPINION. Dans un contexte commercial numérique et globalisé, toute entreprise peut s'avérer être soumise à des réglementations qu'elle ignore, venues d'ailleurs et néanmoins effectives. Face à cela, il faut recentrer la conformité fiscale au centre d'une approche stratégique de compréhension des marchés et de leur évolution techno-réglementaire. Par Eric Lefebvre, CTO chez Sovos
(Crédits : DR)

Pour réussir à notre époque, une entreprise doit avoir une stratégie fiscale qui l'aide à anticiper tout changement réglementaire, technologique et à rester conforme malgré une réglementation en perpétuelle évolution.  De nombreuses composantes rendent la réglementation fiscale de plus en plus complexe. De la mondialisation, à l'évolution de la jurisprudence, en passant bien entendu par les avancées technologiques.

Les licences de logiciels numériques ont permis aux entreprises d'opérer plus facilement à l'international et d'élargir leur base d'utilisateurs. En contrepartie, ces mêmes licences ont catalysé l'utilisation d'instruments financiers complexes dont la taxation constitue un défi.

Pour une entreprise, expansion et croissance riment avec mise et maintien en conformité avec pléthore de réglementations relatives là où elle opère. Ces réglementations peuvent être très différentes de celles auxquelles elle est soumise par l'emplacement de son siège social. Elles peuvent varier considérablement en fonction de l'administration qui les applique.

Si par le passé, il fallait qu'une entreprise soit internationale pour encourir un quelconque type de sanction extraterritoriale, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Toute entreprise du conglomérat à la petite PME régionale, pourvu que leurs transactions dépassent les frontières nationales, soient effectuées en une devise étrangère avec une entreprise dont le siège social est à l'étranger, peuvent être soumises à une réglementation qu'elles ignorent.

Pour rester conformes, les entreprises sont désormais tenues d'avoir une connaissance approfondie des lois et des réglementations fiscales en vigueur dans le monde entier. Cette injonction va bien au-delà de l'expertise comptable classique. Pour compliquer le tout, cette réglementation fiscale continue d'évoluer au fur et à mesure que les tribunaux l'interprètent et l'affinent, et que de nouvelles innovations voient le jour. 

Des conséquences toujours plus multi-juridictionnelles

À l'échelle planétaire, avant l'essor du e-commerce, les entreprises contournaient aisément la collecte de la TVA sur les ventes transfrontalières. L'introduction un peu partout de la composante numérique dans la législation et dans la réglementation qui encadre le commerce aide à garantir aujourd'hui que les entreprises en ligne paient la TVA sur leurs ventes réalisées auprès de clients situés à l'étranger.

Aux États-Unis, par exemple, le cas historique de la Cour suprême
South Dakota vs Wayfair
 examinait la légitimité de la portée extraterritoriale de l'assujettissement pour les détaillants, à la taxe sur les ventes lorsque l'achat est effectué par des clients situés dans le Dakota du Sud, même lorsque le détaillant n'y a aucune présence physique. En 2018, la Cour suprême a déclaré la loi du sud Dakota constitutionnelle, entraînant d'une part une série de conséquences pour les plateformes de vente en ligne situées à l'extérieur de l'état, et encourageant d'autre part, les autres états à adopter des réglementations similaires pour soumettre les plateformes de e-commerce à l'impôt, même lorsque seuls les acheteurs relèvent de leur juridiction.

En Europe, la situation diffère qu'il s'agisse de B2C ou de B2B. Historiquement, la partie B2C dans le monde proto-numérique était réglementée par des caisses enregistreuses et des certifications. Ces règlementations évoluent lentement, mais toujours sans aucune harmonisation entre pays, vers du « e-reporting » plus régulier des systèmes « point-of-sales ». Pour les ventes transfrontalières aux consommateurs en ligne, l'e-commerce package de l'UE, en vigueur depuis juillet 2021, se base en grande partie sur le concept d'un « one-stop-shop » pour les déclarations TVA plutôt que d'utiliser la méthode de e-reporting transactionnel. Comme c'est le cas aux États-Unis, cette règlementation en Europe montre la détermination des pays du monde entier de renforcer le principe de destination, qui consiste en achats de leurs consommateurs.

En complément du e-commerce package, pour le B2B l'initiative
TVA à l'ère numérique
 (simplifiée ViDA, pour l'anglais VAT in the Digital Age), annoncée le 8 décembre 2022, obligerait les factures intracommunautaires d'être échangées en format numérique et structuré, avec du e-reporting en temps (presque) par le fournisseur et l'acheteur, chacun dans son état membre.  Par ce biais, la Commission européenne vise à moderniser les obligations déclaratives en matière de TVA, à faciliter et universaliser la facturation électronique, dans tous les pays européens pour le B2B.

La proposition TVA à l'ère numérique s'appliquerait aussi bien aux entreprises qui commercialisent des biens ou des services numériques, tels que des logiciels, des livres numériques, de la musique et des services de streaming à des clients situés hors de l'Espace économique européen. Ces entreprises sont tenues de s'immatriculer à la TVA dans les pays où elles ont des clients et de collecter et verser la TVA requise sur leurs ventes !

Simplifier la conformité

Si la technologie a été la Chimère qui a contribué à compliquer et complexifier la conformité fiscale, que les entreprises ne s'y trompent pas : elle en est aussi le Bellérophon !

L'offre logicielle permettant aux entreprises de devenir et de rester conformes est pléthorique. Qu'il s'agisse d'effectuer des calculs, de générer des factures ou d'assurer le suivi des déclarations, les entreprises peuvent s'appuyer sur ces « regtechs » (ou plus précisément ces « taxtechs ») pour gérer leurs obligations en matière de TVA.

Existent aussi des outils numériques de facturation et d'archivage qui permettent aux entreprises d'automatiser et de rationaliser leurs processus de conformité à la TVA, ce qui équivaut à faciliter la gestion et le suivi des transactions, réduire la marge d'erreur et garantir l'accessibilité et le stockage sécurisé des documents.

Où que se situe une entreprise dans le monde, des solutions basées sur le cloud peuvent aider les entreprises à se conformer à la multi-juridictionalité des obligations de conformité à la TVA, et l'analyse prédictive pourra faire remonter des risques avant qu'un problème ne survienne. Car la dimension toujours plus extraterritoriale, dans une économie mondiale et numérique, doit exhorter à envisager un rapport stratégique à la fiscalité.

Une approche holistique et globale nécessaire

Dans une économie mondiale en constante évolution réglementaire et technologique, la fiscalité est devenue une question stratégique pour les entreprises, qu'elles s'internationalisent ou pas. Celles-ci doivent être proactives pour garder leur fiscalité sous contrôle afin d'éviter des pénalités onéreuses et des atteintes à leur réputation.

 La planification et la stratégie fiscales sont essentielles pour renforcer les résultats d'une entreprise et lui permettre d'être compétitive sur le marché mondial. Qu'elles entendent s'internationaliser ou pas, les entreprises sont contraintes à adopter une approche globale qui implique une collaboration entre tous les services et l'utilisation de la technologie pour automatiser et rationaliser les processus fiscaux.

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