Les priorités fiscales changeantes de l'UE et du Royaume-Uni dans l'ère post-Brexit

OPINION. Le mois de juin dernier marquait le sixième anniversaire du référendum britannique sur la sortie de l'Union Européenne au cours duquel 52% des Britanniques avaient voté pour un avenir en dehors du l'Union. À l'issue de ce scrutin, il était évident que ces deux entités allaient évoluer différemment sur de nombreux points. Par Christiaan Van Der Valk, VP stratégie et réglementation chez Sovos et Alex Smith, expert en TVA et directeur des services de conseil de Sovos UK.
(Crédits : DADO RUVIC)

De la pêche au fret, des voyages aux tarifs commerciaux, d'importants bouleversements juridiques se profilaient. La fiscalité est l'un des domaines qui illustre le mieux les changements catalysés par le Brexit, le Royaume-Uni et l'Union européenne ayant une tradition et une approche viscéralement différentes de la collecte des impôts indirects.

Quoique ce divorce soit relativement récent, nous disposons à ce jour de plus de recul quant à l'impact du Brexit et à la direction que prennent le Royaume-Uni et l'UE en matière de futurs mandats et de rapports fiscaux.

En Europe, l'attrait du "tout numérique" séduit les gouvernements

Sur le Vieux continent, le passage à la collecte numérique de l'impôt accélère dans tous les pays membres et les déclarations de TVA se font plus automatiquement et de manière plus granulaire. Les contrôles transactionnels en continu (CTC) et le Standard Audit File for Tax (SAF-T) ont procuré aux gouvernements une plus grande visibilité sur toutes les transactions sur le territoire européen, permettant une collecte plus précise de l'impôt.

Cependant, il n'existe pas de système unique utilisé au sein de l'UE : la réglementation et les systèmes sont décidés et mis en place par chacun des pays membres. Par exemple, l'Espagne et l'Italie ont été pionnières dans la mise en œuvre de systèmes CTC en Europe, tandis que la France ne fait que commencer. Pour autant, l'UE tente d'harmoniser la législation sur les CTC, mais l'opposition d'États ayant déjà beaucoup investi dans leurs propres systèmes est à craindre ; pas tous accepteront de s'aligner sur leurs voisins.

Aussi, la réglementation sur le commerce électronique transfrontalier et les services numériques évoluent également vers une numérisation croissante. Les déclarations de TVA du One Stop Shop (OSS), le point de traitement central de tous les biens vendus aux consommateurs au sein de l'UE dans une déclaration fiscale unique, ont été introduits il y a un an, et certaines zones d'ombre persistent.

Notamment sur la question de savoir si le seuil de l'importation OSS, ou le guichet unique à l'importation (en abrégé IOSS) pouvait être relevé pour augmenter le nombre de transactions éligibles à l'impôt ou rendu obligatoire, le seuil des droits de douane, la façon de réduire les risques de double imposition et la manière dont les services B2B sont appliqués dans le cadre de l'OSS. Le commerce électronique continue de se développer rapidement, ce qui fait de l'OSS et de l'IOSS des composantes réglementaires importantes pour tout commerce transfrontalier. La réglementation en la matière pourrait évoluer pour une efficacité accrue pour toutes les parties.

Enfin, dans l'Union Européenne, nul ne peut ignorer l'importance croissante des contrôles en temps réel. Grâce à une évolution massive vers toujours plus de CTCs, les autorités fiscales disposent désormais de grandes quantités de données transactionnelles qu'elles peuvent analyser en temps réel. Il est donc fort à parier que ces mêmes autorités essayeront d'effectuer des contrôles traditionnels sur place en ayant recours à des outils numériques de plus en plus perfectionnés.

Au Royaume-Uni, moins de digital mais plus de flexibilité face aux conséquences du Brexit

Compte-tenu de l'étendue des rapports commerciaux entretenus pas nos entreprises avec leurs homologues britanniques, il est légitime de s'interroger quant aux défis auxquels sont confrontées les entreprises basées au Royaume-Uni et les multinationales tenues de payer des impôts indirects au chancellor.

En premier lieu, si le Royaume-Uni ne sera pas directement impacté par la volonté européenne d'établir une norme commune en matière de déclaration fiscale, le Brexit continue de dominer le paysage fiscal britannique, tandis que l'UE et le Royaume-Uni s'efforcent de trouver un terrain d'entente pour permettre aux échanges commerciaux de se faire librement. Le Brexit a déjà affecté le commerce avec le voisin le plus proche du Royaume-Uni, l'Irlande, et six ans plus tard, le gouvernement britannique doit encore trouver une solution adaptée à divers secteurs clés. C'est notamment le cas concernant le protocole de l'Irlande du Nord et les droits de douane, qui auront tous deux un impact majeur sur ce que le Royaume-Uni envisage de faire avec la TVA sur les transactions transfrontalières. L'incertitude règne donc toujours alors que les leaders politiques cherchent un dénouement qui convienne à toutes les parties et pourrait se prolonger en 2023 et au-delà.

Ensuite, une éventuelle implémentation par les autorités britanniques des CTC et du SAF-T prendrait des années et la tradition de la Common Law en freine l'adoption. Le Royaume-Uni ne suivra sans doute pas le même chemin que l'UE en la matière. Néanmoins, le plan gouvernemental Making Tax Digital a constitué une sorte de réponse britannique aux CTC ces dernières années. Première étape de l'administration fiscale britannique vers un système de déclaration d'impôts numérique, Making Tax Digital impose à toute entreprise de soumettre ses déclarations fiscales à l'administration fiscale par voie numérique. Quoique moins avancé que les CTC, le cadre étant établi, le Royaume-Uni se penchera probablement sur comment il peut étendre et développer le plan Making Tax Digital pour rendre la déclaration fiscale plus précise et plus efficace.

Enfin, en période d'incertitude économique, les modifications du taux de TVA sont courantes. Tandis que le Royaume-Uni cherche à se remettre de la pandémie et à lutter contre l'inflation, l'ajustement de la TVA est un moyen pour le trésor public de percevoir plus d'entrées via une modification du système d'imposition. Or, une réduction de TVA avait eu lieu lors de la crise financière de 2008 pour soulager la pression économique sur les entreprises, comme cela avait été fait au plus fort de la pandémie pour relancer la consommation. Si rien n'indique clairement que la pratique sera reconduite en 2022, une baisse du taux actuel de TVA (fixé à 20%) reste possible.

L'UE et le Royaume-Uni empruntent désormais des chemins différents et adoptent des approches très différentes en matière de fiscalité des entreprises. D'une part, l'avenir de la fiscalité B2B dans l'UE sera défini par la mise en œuvre des CTC et des SAF-T, ainsi que par la finalisation des mandats fiscaux qui impactent l'ensemble de l'Union et de ses partenaires commerciaux, à l'instar de l'OSS/IOSS. D'autre part, le Royaume-Uni sera obligé de s'aligner pour poursuivre sa relation commerciale avec l'UE, mais le pays est actuellement confronté à plus urgent. L'inflation et d'autres conséquences d'événements récents tels que la guerre en Ukraine ou la pandémie sont source d'incertitude économique. Des changements en matière de fiscalité indirecte et de réglementation, notamment pour contrecarrer les dommages collatéraux du Brexit sont attendus au courant de l'année.

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